Almaty, entre ombre et lumiere (sans accent...)
4 juin, c'est la premiere fois depuis longtemps que je suis seule en ville, je souffle. C'est tendu entre Vincent et moi. J'ai besoin d'un bol d'air, de marcher en ville, d'avancer à mon rythme en prenant des photos. Nous avons eu une grosse dispute hier mais rien n'est resolu, une partie du sac s'est vide seulement. Rien de special à faire ce week-end à part attendre notre prolongation de visa.
Almaty est une ville à double tranchant. Entouree de montagnes, des parcs aux arbres gigantesques, des pelouses touffues, des parterres de roses. Un cadre idyllique si ce n'est la pollution des voitures. Des 4X4 tous plus gros les uns que les autres, des voitures tunees avec un permis obtenu dans une pochette surprise. Clignotants aleatoires, et vas-y que je te colle, que je te double en te frolant, que j'anticipe les feux. Klaxons enerves du Pajero rutilant, du Land Cruiser dernier modele à qui on fait perdre une demi-seconde ou la joie de demarrer en trombe. Les freins crissent souvent et parfois ca touche! Il faut avoir les yeux derriere la tete. On se sent si innocent face à ces monstres rugissants. Finalement le Texas, c'est peut etre ici!
J'ai trouve une allee verte aujourd'hui, une enfilade de parcs en centre-ville. Le long des allees, des tilleuls enormes chargees de fleurs odorantes et le parfum sucre des roses pour les accompagner. Des coins ombrages et, sur les bancs ou sur l'herbe, des couples se font la cour, s'enlacent et s'embrassent à pleine bouche. Il y a trop d'amoureux ici... et je suis seule avec moi-meme... Je regarde tomber l'eau des fontaines. Des jeunes filles prennent la pose sous les arbres, en face de l'hotel Kazakhstan, batiment massif de plusieurs dizaines d'etages. Encore un chef d'œuvre de l'ere sovietique surement. Non loin, l'unique piste cyclable de la ville est sur l'avenue Abay, poete kazakh dont la statue trone actuellement au milieu de toles ondulees.
Melange saisissant entre les hauts immeubles, les tours illuminees de publicite des la nuit tombee, les ecrans plasma des boulevards exterieurs et ce centre-ville bucolique. Old square comme on l'appelle ici. Plus de jardins et moins d'immeubles. Des administrations, des theatres, le gros batiment sovietique de l'universite kazakho-britannique, l'universite d'art et son jardin parseme de statues. Je ne me lasse ni de la vue des montagnes, ni du ballet electrique des tours.
9 juin. Ce matin j'ai pris une grande decision. Je veux continuer seule ma route. Je ne suis pas prete à continuer à deux à tout prix. La tension au lieu de baisser est encore monter d'un cran. Trop de frustrations. Trop de non-dits. Et cette extension de visa encore repoussee. Et on me refuse d'en parler. Je me reveille en pleine nuit et mon cerveau n'arrete pas d'y penser. J'ai une boule dans la gorge, un nœud au creux du ventre, je redoute chaque echange de paroles. Je craque.
En rentrant chez Kaidar, chez qui nous habitons actuellement, j'ai commence à trier les affaires. J 'attends qu'il revienne pour lui faire part de ma decision. Il revient. « Il faut qu'on parle ai-je commence ». « Je ne souhaite pas continuer ainsi, je te quitte ». ca fait tres scene de soap americain... electrochoc. Explications. Enfin! Cinq heures de discussion plus tard, j'ai change d'avis, du moins pour l'instant. Le ballon s'est degonfle. La discussion qu'on me refusait a enfin eu lieu. Toucher le fond pour rebondir. Un nouvel elan, je l'espere! Je suis videe mais cette nuit je dors paisiblement. En attendant je pars quelques jours de mon cote. Besoin de recharger les batteries et de changer d'air.
Ces quelques jours seule, j'en ai profite pour visiter le musee national qui retrace l'histoire du Kazakhstan de la prehistoire à nos jours. Le musee d'art contemporain est malheureusement ferme pour renovation mais sa galerie m'a fait decouvrir deux peintres dont les œuvres me touchent. Deux femmes. Gaina Islamova peint des femmes aux tetes penchees, deformees qui expriment beaucoup de douceur et qui evoluent dans un monde onirique colore peuple de poissons volants, de princesses alanguies dans les champs ou chevauchant des animaux etranges tout en se fondant avec le paysage. Gulzamal Tagenova peint quant à elle des femmes multicolores magnifiques. Il pleut tous les jours et mes pas me conduisent invariablement vers la cathedrale orthodoxe bleue qui est triste comme le ciel. Je decouvre de nouveaux jardins. Je rencontre de nouvelles personnes lors d'une soiree couchsurfing dans un pub, des kazakh, des residents etrangers et des gens de passage comme moi. Il doit bien avoir une dizaine de nationalites differentes. Et pour couronner le tout une Laghman party chez une couchsurfeuse ouïghoure qui nous fait decouvrir les secrets de preparation de cette specialite culinaire. J'en ai fait des pates ce soir là! J'ai bien du rouler une centaine de metres.
14 juin, ca y est mon visa sera pret ce soir! En attendant de recuperer mon passeports, j'ai decouvert les bains. Il paraît que ce sont les meilleurs d'Asie Centrale. Je ne me sentais pas le courage d'affronter le chaud du sauna suivi de l'eau glacee et les frictions aux rameaux de bouleaux des bains russes. J'ai opte pour l'option bains turcs plus tranquille. Je me decrasse le corps et l'esprit. Allongee sur le marbre chaud dans une immense salle, je suis seule. Ai-je dormi? Ces deux heures sont passees si vite!
Je me sens prete pour un nouveau depart!