Happés par le temps

Je vous ai laissé à Belfort où nous sommes arrivés il y a une dizaine de jours. Depuis nous avons passé plusieurs frontières, essuyé quelques averses, eu froid aux pieds mais aussi fais bien des rencontres!

Belfort nous a ouvert les portes de l'Alsace sous un beau soleil qui nous a suivi ensuite quelques jours. Quel plaisir de rouler sous un ciel lumineux entre des champs et des arbres scintillants de givre! Nous avons fais une halte gastronomique chez les Gissinger à Rosenau (accueil avec la choucroute et le vin alsacien adéquat!) avant de traverser le pont des 3 pays à Bâle. Nous avons ensuite franchi plusieurs fois la frontière invisible entre la Suisse et l'Allemagne au grès des ponts qui surplombent le Rhin pour entrer définitivement en Allemagne peu de temps après les chutes du Rhin. Ah l'Allemagne, le temple du cyclisme! Des pistes cyclables partout ou presque... nous avons quand même dû prendre une autoroute mais heureusement pendant peu de kilomètres car une piste cyclable est apparue comme par enchantement.

Nous avons abandonné le Rhin pour le Danube au terme d'une éreintante journée où nous avons passé la ligne de partage des eaux (une côte de 10km donc mes jambes se souviennent!). Notre descente du Danube commence donc à Tüttlingen. Les deux premiers jours nous sillonnons des paysages très bucoliques, le Danube n'est encore qu'une rivière qui se fraie péniblement un chemin entre falaises et forêts. Un peu de neige et de glace sur les sentiers ralentissent notre progression. Le temps s'est couvert depuis notre entrée en Allemagne mais nous échappons à la pluie jusqu'à Ehingen. En ce matin du 13 février, nous nous réveillons sous une pluie fine et persistante. La brume matinale tarde à se lever et de fait depuis nous n'avons plus vu le soleil! Ce coton moite nous enveloppe et nous glace le sang. Le paysage est morne, j'ai l'impression d'avoir en permanence un voile devant les yeux. Pour couronner le tout le vent s'est invité depuis...

Comme je suis passablement frileuse, je déploie toute mon énergie à trouver un endroit sec et si possible au chaud pour dormir le soir. Même si nous avons bivouaqué plusieurs fois depuis le début de notre voyage, nous avons la plupart du temps dormi à l'intérieur grâce au couchsurfing, aux connaissances de mes amis ou tout simplement à nos rencontres diverses et variées dans les mairies, le premier lieu où je me rends quand je ne connais personne. J'applique la même méthode qu'en Afrique, le maire n'est qu'un chef de village après tout! A ce titre nos 2 expériences les plus invraisemblables ont été à Neuburg am Donau et Antsdorf. A Neuburg, nous avons dormi chez la femme de ménage de la mairie, une roumaine pétillante et volubile qui a commencé à nous faire aimer son pays! A 38 ans, Helena fait physiquement bien plus âgée que moi, une vie difficile et 4 enfants y sont sûrement pour beaucoup, mais elle garde la spontanéité et la joie de vivre de ses 20 ans. Sa soeur est de la partie, elle manie aussi bien le roumain que l'italien mixés d'allemand et de français un peu plus approximatifs. Son mari, un allemand de Roumanie (l'Allemagne avait des colonies en Roumanie depuis le moyen-âge) complète le tableau. Autant dire que les enfants, un peu effrayés sans doute, ont vite disparu dans leur chambre au milieu de cette agitation! Nous avons passé une soirée animée, entre spécialités culinaires roumaines et schnapps (roumain of course!). Vincent a réussi a échappé in extremis au schnapps du petit déjeuner le lendemain pour cause de journée de pédalage intensif (105 km ce jour là) mais Helena a réussi à glisser un sac de gateau dans ma sacoche de vélo. A Antsdorf, la mairie nous a fait dormir dans l'Histoire... la plus vieille maison de la ville est devenue une relique de la commune où nous avons déroulé nos matelas. 2 degrés à l'intérieur de la maison, c'est déjà au moins 5 degrés de plus qu'à l'extérieur. Le lendemain, petite interview et photo de la journaliste ainsi qu'un présent, la spécialité de la ville, une eau de vie médicinale, rappelant la Chartreuse, qui titre à 36° quand même mais qui est vendue en pharmacie...

Ainsi s'achèvent nos pérégrinations en Allemagne, qui n'auront duré guère plus qu'une semaine.