SA majesté des mouches

Publié le par parisvladiv

Après de longues recherches, nous avons enfin trouvé une carte de la Mongolie à Ulaan Gom. Finalement c'est un jeune homme qui nous a conduit au bon endroit. C'est un peu compliqué de se retrouver dans les boutiques ici car un bâtiment rassemble plein de bureaux avec dans chacune une échoppe et parfois c'est écrit en tout petit sur la devanture. A l'intérieur, c'est sinistre, on dirait les couloirs d'un immeuble désaffecté.

 

Il y a des gars bourrés non stop dans une chambre attenante qui nous disent bonjour pendant trois heures à chaque fois qu'on les croise. Ce matin l'un d'entre eux a commencé une discussion d'une voix tonitruante sur les coups de cinq heures avec deux femmes nous empêchant de finir notre nuit. Avant de partir, ils nous faut encore aller au marché, vérifier que notre choix de route est le bon, aller sur internet et prier pour que la pluie s'arrête. Pas de chance, c'est les résultats des examens et tous les jeunes squattent les postes de la ville à la recherche de leur nom. On a tourné plus une heure avant de trouver un ordinateur de libre. C'est devant le cybercafé justement qu'on a rencontré des français qui font le voyage dans l'autre sens. La rencontre entre des cyclistes au long cours peut prendre du temps. Échange d'anecdotes, de cartes, de bons plans... on discute, on discute et l'heure avance. Entre-temps la pluie a laissé sa place au vent. Nous partons enfin mais impossible d'avancer à plus de 7km/h en descente. La pluie menace à nouveau. Nous décidons de nous arrêter après seulement 20 petits kilomètres au bout de la route bitumée et avant d'affronter le plateau désert nous menant à Narambulag.

 

Le lendemain nous sommes prêts à partir quand il commence à pleuvoir. On s'abrite, accroupis sous nos ponchos, mais on commence à avoir froid après une heure. Heureusement un peu plus loin un pont nous offre un meilleur abri. Enfin le ciel s'éclaircit, c'est parti pour la traversée du plateau! La piste n'est pas trop ensablée mais un peu lourde à cause de la pluie. Le sable n'arrive seulement qu'à l'entrée de Narambulag, un village posé au milieu de nulle part, assez étrange avec sa succession d'échoppes sur la rue principale et ses maisons entourées de palissades. Un attroupement se forment rapidement autour de nos vélos dans la rue principale. Chacun touche nos pneus. C'est un vrai rituel à chaque fois qu'on rencontre un mongol. Il touche nos pneus comme on baiserait le front de Barthès avant un match. Une fois la tente posée près d'une yourte à l'abri du vent, les enfants ne sont pas long à nous trouver. Ils montent sur les vélos, prennent la pose, inspectent les moindre recoins et s'envolent comme une volée de moineaux quand un adulte arrive. Soumiabès est mon chouchou avec son visage rond et rieur, ses pommettes hautes et ses sourcils à la Gengis Khan.

 

Encore une fois la pluie commence juste avant notre départ le lendemain matin. Nous avons croisé Soumiabès qui chantait son nom comme s'il ne voulait pas que je l'oublie et qui nous a suivi jusqu'à la sortie du village. On a atteint un lac salé après une vingtaine de kilomètres. Le temps est couvert, un peu de pluie, du vent, trop de vent. Une tempête de poussière arrive en fin de journée et rend encore plus pénible la progression sur la tôle ondulée. Nous dépassons une source d'eau minérale, qui paraît assez improbable à côté de ce lac salé. Un camion providentiel nous prend en stop sur la piste ensablée qui est de plus en plus mauvaise. Je vois mon vélo faire des bonds à l'arrière de la remorque. J'ai peur du résultat final...

 

En pleine nuit, nous avons posé la tente derrière une maison. Je ne regrette pas d'être descendue du camion car le paysage est superbe, le vent s'est calmé et la route est en meilleur état. Il a fait très froid cette nuit et les montagnes sont couvertes de neige. C'est beau ce contraste entre le vert de la prairie et le blanc des montagnes. Je peux admirer le paysage sans avoir le nez dans le guidon et regarder sans arrêt où se met ma roue. Comme prévu, peu d'habitation. On aperçoit parfois au loin quelques yourtes mais comme le regard porte loin ça peut être à plus de 10 kilomètres.

 

En fin de journée nous sommes arrivés dans une prairie avec des troupeaux et des campements et avons rencontré un cavalier parlant un peu anglais. Étudiant à Ulaan Bator, il travaille avec sa famille l'été. Nous avons planté notre tente à côté de leurs yourtes. Il y avait toute une tripotée d'enfants qui se sont bien amusés à monter ma tente et à faire du vélo. Notre cavalier m'a fait monter sur son cheval puis nous avons assisté à la traite des chèvres qu'ils mettent alignées tête-bêche pendant l'opération. La plus âgée des enfants, une adolescente de quinze ans s'est mise à préparer le dîner, une soupe mongole, composée de pâtes fraîches et de viande de mouton. L'occasion rêvée pour moi d'apprendre une nouvelle recette!. La viande pendait dans un coin de la yourte, elle en a prélevé un morceau qu'elle a découpé en petits bouts. Pendant ce temps je découpais les pâtes faites simplement de farine et d'eau. Puis elle a préparé le thé mongol, un peu de thé, de l'eau, du lait et du sel. En dessert nous avons eu droit a du fromage blanc de chèvre... un délice! Dans une yourte tout est bien organisé: le poêle au milieu, une table basse basse derrière. A l'arrière, le long de la yourte, des meubles en bois colorés surmontés de cadres avec des photos et un petit autel pour les dieux. Il y a aussi un coin cuisine où s'entassent les ustensiles et la réserve d'eau d'un côté de la porte et de l'autre le lavabo et la viande qui sèche. Deux lits simples complètent le mobilier. C'est petit mais tout est là.

 

Le lendemain matin, c'est jour de tonte des moutons. La laine est prélevée d'un seul tenant aux ciseaux, on dirait une couverture. Pendant ce temps le reste du troupeau est séparé, les jeunes non sevrés sont isolés d'un côté pour pouvoir avoir du lait le soir. Ce n'est pas une mince affaire car il faut les repérer dans la masse. Il y a toujours des moutons récalcitrants qui veulent s'immiscer dans la horde des jeunes. Ça saute en tout sens pendant qu'adultes et enfants courent après eux en criant. Au camp il reste finalement un petit chevreau qui est né hier soir. On me le met dans les bras, c'est tout mignon, il a encore le cordon ombilical qui pendouille. Les enfants se le refilent l'un à l'autre, c'est leur nouvelle peluche. Un peu de répit pour le chien auquel ils tirent la queue et tord la tête pour se faire prendre en photo. 

 

Encore 30 km avant d'arriver à Songino. Dès que nous quittons les yourtes pour longer la rivière, nous sommes assaillies par les petites mouches. Arrivés à Songino, nous devons faire le plein d'eau pour deux jours car pas de village avant 90 kms. Ce soir là, encore une fois, bivouac au milieu de nulle part mais en compagnie des petites mouches dévoreuses  qui mordent au sang et se faufilent partout. Le pire c'est le derrière des oreilles. Les mouches sont toujours là au matin, elles me dévorent littéralement. J'ai des morsures sur tous les coins accessible de la peau. Elle arrivent même à entrer sous les manches et dans le décolleté. Elles sont relayées pendant la journée par leurs cousines un peu plus grosses. J'ai l'impression d'être sa majesté des mouches, un halo permanent de coléoptères m'entourent et je ne pédale pas assez vite pour les semer. Mis à part ça la piste est très praticable jusqu'à Nomrog. J'ai bien dû faire 4 ou 5 boutiques dans ce village avant de trouver nos provisions qui sont pourtant assez basiques: du pain, des pâtes, des gâteaux et des bonbons. Pour l'eau pas de puits, ni de pompe mais l'eau de la rivière. Elle a une drôle de couleur et est pas mal visitée par les animaux. Par sûr qu'elle soit de bonne qualité mais encore une fois on a pas trop le choix car on doit de nouveau faire le plein pour deux jours.

 

Finalement, après une vingtaine de km on a croisé une maison et quelques yourtes dans une prairie... ça veut dire qu'il y a  de l'eau!  En effet le gardien du bak nous indique une source à 3 km et mais comme il est sympa il nous donne un des bidons que son fils lui ramène en mobylette et nous invite à dîner. Vincent lui a dit qu'il ne mangeait pas de viande donc ce sera des pâtes traditionnelles mais à la place du mouton du lait et des oignons. C'est bon mais je préfère quand même au mouton.

 

La piste se corse, elle devient très sablonneuse et je suis obligée de pousser mon vélo. Le ciel est menaçant, il est devenu d'un gris presque noir et j'entends l'orage qui gronde dans mon dos. Ça fait de beaux reflets sur l'eau du lac salé mais les éclairs ne sont sont pas très  rassurant. Le vent se lève, ce qui signifie que la pluie est proche. Je n'ai pas trop envie d'être trempée au milieu de nulle part. On mange rapidement un bout abrité sous ma bâche. Finalement l'orage n'éclate pas au dessus de nous, nous recevons juste un peu de pluie. Par contre la piste est de plus en plus mauvaise, pleine de sable et en plus ça grimpe. Mais la chance nous sourit car un camion arrive et nous conduit jusqu'à Tosontsergel. C'est là qu'on se sépare avec Vincent car je dois rejoindre en stop Ulaan Bator, à plus de 800 km, pour retrouver mes amis et lui va bifurquer vers le sud avant de rallier la capitale.      

 

J'ai compté cinq jours pour atteindre Ulaan Bator mais il ne m'en faudra que deux. Il faudra quand même que je pédale presque cinquante kms avant de trouver un véhicule. Je viens de traverser une rivière après Ikh Uul et demande le chemin aux enfants quand un 4X4 climatisé flambant neuf surgit. Je m'étais presque habituée aux camions brinquebalants où on s'entasse à l'avant avec la tête qui cogne au plafond quand la piste est trop mauvaise. Mais j'avoue que le confort du 4X4  me va pas mal... Je suis accueillie par la chanson « Voyage, Voyage » et une bière fraîche... le chauffeur est mongol et est le dirigeant d'une entreprise d'exploration minière. C'est son chauffeur qui s'occupe de la programmation musicale car son patron aime conduire sur les pistes, le chauffeur c'est pour la ville seulement ou quand il est fatigué. Petite pose au milieu de la steppe pour effectuer le rituel de bienvenu: boire de la vodka mongole dans un petit gobelet de métal (trois verres obligatoire cul sec!), et celle-ci sent fort le fromage, en faisant auparavant une offrande au ciel, puis je dois sentir le tabac qui se trouve dans une petite fiole. Ensuite au premier ovoo venu, nous nous arrêtons faire 3 fois le tour dans le sens des aiguilles d'une montre et déposons un caillou en signe d'offrande puis c'est parti pour un bon voyage jusqu'à UB!


Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
R
<br /> <br /> Coucou.<br /> <br /> <br /> Bravo pour ton courage et ta persévérence à travers les pistes sableuses et le mauvais temps. Heureusement qu'il y a les Mongols et leur générosité pour t'aider aussi.<br /> <br /> <br /> Merci pour tes beaux récits qui nous font voyager!<br /> <br /> <br /> Je te souhaite encore de belles aventures!<br /> <br /> <br /> Bises.<br /> <br /> <br /> Romain<br /> <br /> <br /> <br />
Répondre