Un long repos

Publié le par parisvladiv

Le 1er mars au matin nous repartons du foyer d'étudiants pour une route toujours aussi monotone et jalonnée de panneaux d'interdiction de circuler pour les vélos. Mais au bout de 15km Vincent s'arrête subitement au bord de la route et me dit :” je ne vais pas pouvoir continuer à vélo, mon genou a gonflé”. Il nous faudra encore pédaler une bonne dizaine de kilomètres pour atteindre une gare. Et bien entendu il n'y a pas de train direct pour Oradea et nous ne pouvons traverser la frontière en train avec nos vélos (!?!). Charger et décharger à chaque fois les vélos et les bagages dans le train en moins de 2 minutes relève du parcours du combattant car les portes sont étroites et haut perchées. Heureusement, la plupart du temps quelques voyageurs nous aident mais je ne comprends toujours pas pourquoi certaines personnes s'obstinent à monter et descendre en empruntant la même porte que nous alors qu'ils voient bien que nous bloquons l'entrée avec tout notre barda...


Finalement nous avons fait 42 km à vélo ce jour là avant d'atteindre Oradea, ce qui n'a pas arrangé le genou de Vincent. Heureusement Andrei qui nous accueille réussit à joindre un médecin, ami de son père. S'enchaînent alors plusieurs visites à l'hôpital mais ça, je ne le sais pas encore... Après quelques heures d'attente notre tour arrive enfin et à partir de ce moment là tout devient facile à l'hôpital, nous bénéficions d'une sorte de passe-droit. La radio est faite sur le champs et nous retournons voir immédiatement le médecin qui décide de nous revoir 3 jours plus tard pour voir l'évolution du genou suite au traitement préconisé, repos total, anti-inflammatoire et application de glace.

Je sillonne donc la ville pendant plusieurs jours avec Andrei pendant que Vincent reste à la maison. Je découvre un centre-ville qui fut sûrement éblouissant autrefois mais dont beaucoup d'immeubles sont à présent en bien mauvais état. Certaines façades sont enveloppées dans du plastique afin de préserver ce qu'il en reste et dans l'attente d'une hypothétique rénovation. Andrei m'explique que l'ère Ceaucescu n'a pas été très favorable à l'embellissement et la ville a vu fleurir quantité de blocs gris en périphérie à la place des anciens quartiers pavillonnaires. Il me fait également observer les aberrations de certaines constructions: un escalier atterissant sur un mur ou une fenêtre, un trottoir s'arrêtant subitement et faisant un saut de 1m... Il paraîtrait même qu'un immeuble fût construit autour d'une grue; les ingénieurs s'apercevant de leur erreur trop tard n'eurent d'autre choix que de laisser la grue à l'intérieur! Il faut bien avouer qu'Oradea n'est pas non plus une ville bien grande donc il fallut bien se trouver des occupations. Tous les jours j'allais au marché pour mon plus grand plaisir.  J'en avais marre de ces grandes surfaces Tesco and Co croisées ces derniers temps. Andrei habituellement se nourissait de nourriture bizarre: des crèmes salées aromatisées au poisson ou au fromage étalées sur un morceau de pain à la hâte, des bouts de pizzas; nous lui avons fait découvrir la cuisine française! Nous avons plus utilisé sa cuisinière durant notre  séjour que lui durant une année. Mais je ne vous ai pas parlé de l'appartement d'Andrei, un véritable foutoir où le balai n'a pas sa place! J'ai commencé à vidé ses placards de cuisine où les aliments périmés pullulaient et faisaient la joie des petites bêtes.


Mais le genou de Vincent reste toujours un peu gonflé et sensible et nous décidons d'attendre sa complète guérison avant de reprendre le vélo. Il nous faut donc rejoindre Odessa par les transports en commun car 2 amis nous y rejoignent pour quelques jours. A vol d'oiseau ce n'est pas très loin mais il y a la chaîne des Carpates à traverser. A mon plus grand regret je ne roulerai pas dans les forêts de Dracula mais ce n'est que partie remise! Nous cherchons donc le trajet avec le moins de changements possibles. And the winner is “22h de train pour atteindre Chisinau en Moldavie puis quelques 6h de bus pour relier Odessa en Ukraine”. Sur mon premier billet de train il y a marqué 611km entre Oradea et Iasi pour un départ à 10h27 et une arrivée à 22h36... je vous laisse calculer la moyenne horaire!

Les contrôleurs roumains ne sont pas très compréhensifs et ils font même carrément “ch...”. Nous embarquons une première fois les vélos et nos sacoches mais ils nous font changer de place pour les mettre en bout de train 3h plus tard à Cluj-Napoca, après nous avoir fait payer un supplément bagages bien entendu. Après la relève des contrôleurs, nos vélos étant en bout de train et ne gênant plus personne, un nouveau apparaît et commence à dire “Problem...” et là je me dis qu'on ne va pas être copain non plus avec celui-là. Triomphante je brandis mon petit reçu rose pour ne pas payer un nouveau supplément. Mais lui aussi a décidé de nous faire “ch..” jusqu'au bout. Il veut absolument que l'on mette un vélo dans le compartiment pour ne pas bloquer l'entrée des toilettes. Finalement la porte du train étant cassée et s'ouvrant toute seule nous décidons de mettre les 2 vélos dans le compartiment au risque de voir disparaître mon vélo dans la nature en cours de route.

Arrivés à Iasi la caissière ne peut nous établir un billet pour Chisinau donc nous devons embarquer dans le train à 3h du matin et voir directement avec le contrôleur... On a bien failli louper notre train car il est arrivé en avance et sur un autre quai que celui annoncé par ladite caissière donc forcément comme il n'y a pas d'annonce il vaut mieux être vigilant! Nous nous retrouvons à monter comme des voleurs dans un train d'un autre âge, pas de marche pied et une entrée à hauteur de poitrine. A peine les bagages rentrés et la porte refermée, une armoire à glace en maillot de corps apparaît. Il n'est pas commode du tout et veut nous éjecter du train car nous n'avons pas de billet... nous essayons de nous justifier avec des gestes mais comme nous ne parlons pas la même langue ça devient vite compliqué... nous jouons la montre car nous voulons à tout prix rester dans le train. Le train redémarre, il se calme un peu et nous demande de déplacer nos vélos à l'autre bout du compartiment, bien évidemment! Je lui montre le montant indiqué par la caissière pour nous rendre à Chisinau et là il prétend que ce n'est pas suffisant et m'annonce un prix exorbitant. La mascarade de nous débarquer au prochain arrêt recommence. Je lui sors mon porte-monnaie avec tout notre argent, guère plus que le prix des billets annoncés par la caissière et commence à compter devant lui. Il repart et réapparaît quelques minutes après, assagit. Il nous propose de rajouter un peu plus pour nous amener jusqu'à Chisinau avec nos vélos. Bien sûr il ne nous donne pas de ticket et il commence même à être sympathique avec nous. On s'en tire fianlement pour le prix que l'on comptait payer avec le supplément vélo sauf que notre argent ira direct dans la poche du contrôleur!La nuit fut ainsi plus que courte entre les contrôles de douane et le bruit des marteaux pour le changement des roues du train (la Moldavie a le même écartement de voies que la Russie qui est différent que les autres pays d'Europe d'où la nécessité de changer les roues du train à la frontière, un travail fastidieux de plusieurs heures). Nous arrivons à Chisinau vers 9h, exténués par le voyage sous un beau ciel bleu et après une poignée de main accompagnée d'un grand sourire de notre contrôleur (tout est possible!). Heureusement l'appartement d'Alexander qui nous héberge est facile à trouver.

Nous avons prévu de passer 2 jours à Chisinau, le premier pour nous reposer et le second pour découvrir la ville et trouver un bus pour Odessa. L'attrait architectural de Chisinau est limité mais nous y rencontrons des gens conviviaux et Alexander nous fait découvrir ses “troquets” préférés et notamment le vin et la bière locale. Et puis de nouveau nous préparons un repas “ à la française”, succès garanti  à chaque fois ! Cette fois-ci c'est risotto et escalope à la crème et aux champignons (notre spécialité) et crumble aux pommes. Trouver un bus pour Odessa et y installer les vélos a été déconcertant de facilité. Nous avons trouvé quelqu'un qui parlait français et les chauffeurs de bus étaient tous sympas et compréhensifs. Pour couronner le tout nous avons avons voyagé à côté d'une professeur de français!


Nous sommes ainsi arrivés à Odessa le 10 mars au soir. Aucuns des couchsurfers contactés ayant répondu nous avons passé la première nuit dans une auberge de jeunesse. Nous y avons rencontré Daksch, un étudiant en médecine indien parlant super bien anglais et qui nous propose de nous amener à l'hôpital pour faire la traduction en russe (l'état du genou étant stationnaire depuis plusieurs jours). Finalement nous rencontrons une médecin généraliste parlant anglais qui est très contente de nous aider et qui fera rencontrer un spécialiste et faire des examens complémentaires à Vincent. Une autre semaine de repos est donc nécessaire. Mais en attendant Diana et Benoit sont arrivés à Odessa et nous découvrons la ville et le bord de mer avec eux pendant quelques jours, goûtons la cuisine et la bière ukrainienne et rêvons déjà de nous revoir alors qu'il est temps pour eux de repartir vers la France. Nous devons rester encore quelques jours supplémentaires pour prendre le bateau traversant la mer Noire (il n'y en a qu'un par semaine mais son départ est un peu capricieux). Dès le départ de Diana et Benoît nous logeons chez Vitalyi et Natacha, nos couchsurfers, ainsi que 2 nuits chez des français rencontrés à Odessa pour laisser un peu d'air à nos hôtes car nous logeons à 4 dans la même pièce. J'aime Odessa, son architecture, son ambiance et ses habitants. Au bout de quelques jours je me sens comme un poisson dans l'eau et  je me verrais bien rester ici quelques mois pour apprendre le russe, comme Nicolas, un français rencontré ici qui attend la fin de l'hiver avant de repartir en voyage. J'aimerais connaître cette ville ensevelit sous la neige mais aussi durant l'été quand les plages et les terrasses de cafés sont envahies par les russes et les odessiens.


22 mars. Ça y est le bateau est annoncé pour le 23 mars au matin! Ce qui signifie une arrivée le 25 après-midi après 42h de traversée, si tout va bien. Le 23 mars, à 6 heure 15 nous sommes à l'arrêt de bus et attendons qu'un des véhicules puissent nous prendre avec tous nos bagages pour rejoindre le port d'Odessa situé à environ 30 km. Quand le bus nous débarque sur le bord de la route on a vraiment l'impression d'être au milieu de nulle part. Pas facile de trouver le terminal des ferrys, heureusement que l'on a prévu d'arriver en avance! S'ensuit une journée d'attente et de somnolence. Convoqués à 9h30 du matin, le passage de la douane n'a lieu que vers le 13h puis on attend encore pour embarquer. Le bateau part enfin vers 20h.

Le lendemain le ciel est d'azur, on aperçoit les côtes de la Crimée au loin. Cette traversée de la mer noire est l'occasion de rencontrer des personnes aux histoires bien différentes dont un jeune homme qui vient de se faire opérer des yeux et sa femme, des chauffeurs de camion, des convoyeurs de wagon, des allemands se rendant au Bhoutan, un professeur de théologie russo géorgien et sa femme russe, restauratrice d'icônes. Le bateau, énorme, accueille davantage de camions et de wagons que de passagers et on doit être 80 en tout en pour tout. Nos colocataires de cabines, Youri et Vassili sont 2 ukrainiens qui convoient 5 wagons réfrigérés de poulets vers le Kazakhstan. Je passe surtout beaucoup de temps avec les allemands et avec le professeur de théologie qui parle anglais et sa femme. Ils rentrent travailler en Géorgie dans un monastère qui est justement sur notre route. J'espère qu'on pourra les revoir là-bas.


Le 26 mars au matin, les côtes géorgiennes et leur montagnes enneigées sont en vue. Quelques dauphins nagent autour du bateau. Nous avons quitté l'Europe et nous arrivons au Moyen-Orient. Le bateau arrive en Géorgie à Batumi avec un jour de retard, le samedi 26 mars après-midi.   

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F
<br /> <br /> Merci Virginie pour le récit de ces péripéties relatées avec ton éternelle simplicité et joie de vivre! Je t'imagine déjà rabrouer les controlleurs de trains comme tu as pu le faire à juste titre<br /> avec un certain muletier de l'Atlas!<br /> <br /> <br /> Continues! Go go go!<br /> <br /> <br /> Francesco<br /> <br /> <br /> <br />
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C
<br /> <br /> Bonsoir Virginie,<br /> <br /> <br /> La lecture de ton journal est une véritable "bouffée d'air pur". Ton voyage ne semble pas être un long fleuve tranquille mais que de rencontres formidables à l'image de ta personne. Reste comme<br /> tu es et ton voyage ne sera que plus beau.<br /> <br /> <br /> Courage à tous les deux et à bientôt. <br /> <br /> <br /> <br />
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