Entre deux eaux

Publié le par parisvladiv

Aussitôt débarqués à Batumi, c'est un concert étourdissant de klaxons, de bonjours et de geste amicaux qui nous accueille. Nous prenons bien vite les petites routes de campagne, les monts enneigés du Caucase en toile de fond. On a bien gagné 15°C depuis Odessa alors vive le T-shirt et la crème solaire! Le goudron est mauvais voire parfois inexistant, les pentes sont pentues voire très pentues, des statues soviétiques trônent au milieu de nulle partet partout nous sommes frappés par la gentillesse des personnes que nous rencontrons. Ça y est nous sommes en Géorgie, un petit pays qui était en guerre contre les russes il y a 3ans à peine... Des régions sont d'ailleurs encore occupées et inaccessibles. Ici pas d'eau du robinet mais de l'eau fraîchement tirée du puits ou de la fontaine. Les petites vieilles toutes rabougries, toutes de noires vêtues et un fichu sur la tête nous offrentde l'eau avec leurs sourires édentés.Pas de retraite à 60 ans non plus, les vieux sont dans leurs champs et il n'est pasrare d'en voir rentrer le soir le dos vouté, la canne à la main et la bêche sur l'épaule. La première fois on ne comprend pas mais bien vite on devine qu' une pichenettesur le cou indique qu'on veut nous offrir un verre de vin ou d'eau de vie. Je décline gentiment avec mes quelques mots de russe: 'niet spassiba, velociped, vodka niet Haracho”. Un monsieur qui m'a aidé à traverser les voies de chemin de fer à Gori me donne un pot de kompot de framboises en désespoir de cause pour compenser (une spécialité locale délicieuse avec des fruits entiers à mi chemin entre la compote et la confiture)!

Même la police s'occupe de nous en Géorgie. Pendant une journée entière nous avons été suivis. Je vous avoue qu'au début on se demandait ce que ce policier nous voulait. Il nous suivait à distance mais sans se cacher, s'arrêtait 500 m plus loin puis redémarrait quand nous le dépassions. Il nous demandait parfois si nous avions besoin de quelque chose, nous indiquait la route à suivre. Nous avons essayé delui expliquer que nous n'avions besoin de rien et qu'il pouvait vaquer à d'autres occupations; mais non, il nous suivait toujoursnous attendant malgré les pauses déjeuner, remplissage de gourdes et autres. Sorti de sa 'zone' d'action il a passéle flambeau à une nouvelle voiture. Sensation étrange d'être épié même si ça partait d'un bon sentiment...

Point de vue bivouac, pas de problème pour poser la tente ici mais les terrains plats non cultivés ont été un peu difficile à trouver. Nous nous sommes retrouvés plusieurs fois non loin de la grande route impossible à éviter qui traverse la Géorgie d'ouest en est, le bruit des camions peinant dans les côtes et les chiens qui aboient nous rendant les nuits un peu courtes. Le bivouac le pire de ce côté fut celui entre la route et la voie de chemin de fer. Mais bon ce jour là on avait atterri près d'une station service/motel/restaurant/bordel où on avait pu déguster une bière fraîches et prendre une douche. Après le passage de la Rikoti Pass dont le tunnel était fermé pour cause de travaux (ce qui veut dire 500m de dénivelé en plus) c'était le luxe ... on ne peut pas non plus tout avoir!

Après ces quelques jours dans la montagne, l'arrivée à Tbilissi et sa grande route en 4x2voies est un peu violente! Mais une fois arrivée en centre ville, je tombe sous le charme des ruelles tortueuses du vieux Tbilissi construit à flanc de collines et de ses églises d'où s échappent des chants et de l'encens. Nous ne devions rester qu'un jour à Tbilissi mais le matin de notre départ, un rideau de pluie s'abat sur la région. Ce mauvais temps va nous poursuivre jusqu'en Azerbaïdjan et nous boucher la vue pendant plusieurs jours mais nous permettre de connaître Justan et sa famille qui nous hébergent pour notre dernière nuit à Tbilissi. Justan a quand même réussi à nous faire avaler au petit déjeuner du vin et du chacha (eau de vie faite à base de raisin), fait maison bien évidemment car comme la plupart des familles géorgiennes il fabrique son propre vin et en est très fier. Pour échapper au mauvais temps, nous prenons un taxi pour nous éloigner d'une centaine de kilomètres de Tbilissi qui est un vrai « pot de chambre ». Le ciel reste bas mais les averses s'espacent enfin et nous arrivons le soir même à Lagodecki, lieu de rendez-vous avec Inna et Teymuraz (un couple déjà rencontré dans le bateau pour ceux qui suivent!). Ils nous ont donné rendez-vous au monastère mais le moine qui nous ouvre n'est au courant de rien et nous commençons à partir quand il nous rappelle. Nous leur avions demandé un endroit pour planter la tente mais ils nous offrent une chambre pour la nuit au monastère. Puis on nous conduit à la résidence du bishop de la région, l'équivalent du « cardinal catholique » pour attendre Inna et Teymuraz. Ils arrivent dans le gros 4X4 dudit bishop, un personnage imposant dans tous les sens du terme... Ce soir là c'est notre meilleur repas géorgien: un festival de plats végétariens colorés tous plus délicieux les uns que les autres, plein de saveurs inédites arrosé d'un vin extraordinaire sentant les fruits rouges et à la robe somptueuse. Le lendemain matin, Zaza, le moine qui nous a accueilli la veille, nous ressert au petit-déjeuner les mêmes plats. En fait, ils sont fabriqués par la communauté sur place avec les fruits et légumes du jardin, lui c'est son quotidien mais nous on se régale! Avant de partir il nous donne les barres énergétiques locales, des bâtonnets faits de noix enrobées dans une pâte à base de peau et jus de raisin (si j'ai bien compris l'explication), encore une gourmandise exquise.

Quelques kilomètres après Lagodecki, nous atteignons la frontière et un panneau nous souhaite bonne chance...après toutes les histoires que nous avons entendu sur la police on s'attend à un passage de douane un peu difficile mais en réalité ça nous a pris seulement 10minutes. Et en prime un douanier m'offre un porte-clef à l'effigie de l'Azerbaidjan! je m'attendais également à un pays beaucoup plus pauvre que la Géorgie mais, en apparence du moins, c'est plutôt le contraire. Il faut dire aussi que depuis quelques années l'Azerbaïdjan exploite le pétrole de la mer Caspienne et qu'un oléoduc l'achemine directement en occident ...

Les azerbaïdjanais sont aussi accueillants que les géorgiens, le thé remplaçant le vin et la vodka. On nous offre même souvent du pain et des friandises. Systématiquement si vous refusez de prendre quelque chose, la réponse n'a en fait aucun effet car on vous la donnera quand même. Par exemple on vous demande si vous besoin d'une assiette et vous dites non et bien forcément le type revient avec une assiette! Même chose pour le thé, le café, etc... Les azerbaidjanais usent encore davantage du klaxon que leurs voisins pour dirent bonjour et parfois les camions me cassent vraiment les oreilles. D'un autre côté, vu le temps pourri qui nous poursuit et nous gâche le paysage, ça passe le temps de dire bonjour à tout le monde.

On a changé notre itinéraire pour redescendre dans la vallée en espérant retrouver un temps meilleur mais dans la fièvre de la descente Vincent qui ne regarde pas trop la carte a raté l'embranchement pour Kahr qui devait nous emmener à Sheki. Je suis déçue car cette ancienne ville de la route de la soie avait l'air vraiment belle et malgré le mauvais temps, j'aurais aimé la voir. Sur notre carte on a repéré une route secondaire qui nous fait faire un détour mais qui devrait nous emmener vers Bakou en évitant la grande route qui traverse la montagne et qui est en travaux. Mauvaise pioche! Cette route secondaire est devenue une route principale!!! elle vient d'être terminée et tous les bus et les camions pour Bakou semblent passer par là. Heureusement elle dispose de larges bas côtés mais le paysage est sans intérêt et les stations service semblent faire le concours des toilettes les plus sales mais je vous épargne les détails...En revanche, nous avons été accueillis dans une famille qui nous a évité de dormir encore une fois sous la pluie et qui nous a fait découvrir les dolma, des feuilles de choux farcies à la viande. Enfin, le soleil réapparait et à l'approche de la mer on se prend à rêver à une nuit sur la plage mais nous ne l'atteindrons pas ce soir là et heureusement d'ailleurs car la côte qui mène à Bakou n'est pas très touristique mais davantage une succession de petites villes industrielles et poussiéreuses.

Nous arrivons à Bakou en plein embouteillages et encore une fois c'est le choc après ces quelques jours dans la campagne. Bakou c'est la folie des grandeurs, des immeubles aux architectures recherchées, des tours de verre, du marbre, des statues et des fontaines au milieu de places immenses. La balade du front de mer qui s'étend sur plusieurs kilomètres est à elle seule démesurée. Si les photos du président en 4 par 3 ornaient déjà les routes, à Bakou il est présent à chaque coin de rue au travers de ses citations gravées dans le marbre. Il veut faire de Bakou la Dubaï de la Caspienne...

Le lendemain de notre arrivée nous commençons notre quête pour partir à Aktau. Tous les jours nous devons nous rendre au port pour savoir si un ferry part pour le Kazakhstan. Pas de planning, une fois arrivé au port de Bakou on décide de la prochaine destination du bateau en fonction de la demande et puis on attend qu'il se remplisse pour le faire partir. Le personnel n'est pas très coopératif et on peine à avoir les renseignements. Par bonheur, un français parlant russe travaille justement sur le chantier voisin et il vient régulièrement nous aider à glâner des informations. Dimanche on nous suggère un possible départ le lundi car un bateau est en route. Lundi matin nous décidons de partir avec nos vélos au port, finalement pas de ferry en vue mais un possible bateau le lendemain à 5h du matin et il nous faut revenir à 17h pour confirmation de la destination. A 17h, on nous annonce finalement un départ le lendemain à 11H mais on ne peut pas nous faire les billets tout de suite. Allez comprendre... Mardi 9h, le monsieur répond à ma requête par commençant par « Problem Aktau... » et la dame refuse carrément de me parler ! Je reviens avec un azerbaidjanais parlant anglais 10 min plus tard et me voilà avec mon billet de bateau entre les mains! Même chose pour la douane, on nous dit de patienter mais on ne vient jamais nous chercher... Finalement après plusieurs contrôles du passeports et des billets dont je ne vois pas bien l'utilité, nous entrons dans le bateau qui s'apparente davantage à un rafiot. Tout est affreusement vieillot, les cabines sont dans un état lamentable, les toilettes n'en ont que le nom et les canots de sauvetage sont inutilisables. Je me demande vraiment comment cet engin peut encore flotter. On sympathise avec des turcs conducteurs de camions dont l'un parle allemand. Ils se livrent à un petit trafic de carburant avec l'un des types du bateau contre quelques cigarettes et verres de raki. Ils lui achètent du diesel à 20 centimes au lieu de un euros, ça leur fait faire de belles économies. Eux aussi prennent ce bateau pour la première fois et ils sont médusés par la vétusté de l'engin. Mais si vous recevez cette newsletter c'est que le bateau n'aura pas coulé... 

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